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Ancien lauréat
Prix d'excellence du CRSNG de 2003

Richard Bond

Directeur, Institut canadien d’astrophysique théorique (ICAT)

University of Toronto


Richard Bond
Richard Bond

Dans ses Lettres à un jeune poète, le poète Rainer Maria Rilke donnait le conseil suivant à tous les apprentis écrivains : « Efforcez-vous d'aimer vos questions elles-mêmes ». Rilke aurait tout aussi bien pu adresser ce conseil aux cosmologistes, ces chercheurs d'étoiles qui étudient l'origine, l'évolution et la destinée de l'Univers. En effet, au cours du dernier siècle, à peu près tout ce que ces scientifiques savaient avec une certaine certitude se terminait par un grand point d'interrogation, d'une proportion cosmique.

« De quoi l'Univers est-il fait? Comment la structure de l'Univers s'est-elle formée, comment a-t-elle évolué et quel sera le destin ultime de l'Univers? Ce sont là les questions les plus profondes auxquelles tente de répondre la cosmologie », explique Richard (Dick) Bond, l'un des trois finalistes à la Médaille d'or Gerhard-Herzberg du CRSNG de 2005.

Au cours des 20 dernières années, Richard Bond a contribué d'une manière remarquable à apporter des réponses à toutes ces questions. Jouissant d'une grande réputation internationale et reconnu comme un penseur à la fine pointe de ce que l'on considère déjà comme l'âge d'or de la cosmologie, il est en quelque sorte la figure de proue du milieu vibrant de la cosmologie théorique canadienne.

Le professeur Bond est revenu en 1985 à l'University of Toronto, son alma mater, où il avait fait ses études de premier cycle, délaissant un poste confortable à la prestigieuse Stanford University afin d'aider à mettre sur pied l'Institut canadien d'astrophysique théorique (ICAT). À cette époque, les caractéristiques de base de l'Univers (sa taille, sa forme et son âge) étaient pour ainsi dire inconnues.

« Au début des années 1980, quand j'ai commencé à étudier ce sujet, je le trouvais un peu flou, car il manquait de précision. Mais au cours de ma carrière, j'ai vu ce domaine évoluer et devenir un domaine d'une précision remarquablement fine. Nous sommes à la limite même de l'Univers et nous calculons les choses avec une grande exactitude », explique le professeur Bond.

De fait, par ses recherches, Richard Bond a contribué à écrire l'histoire moderne de la « néogénèse », grâce à une combinaison judicieuse de travaux théoriques et expérimentaux. Dans ses recherches, il a exploré l'origine des structures à grande échelle dans l'Univers, en partie en extrapolant le comportement de divers composants critiques, dont les objets très massifs (y compris les supernovæ et les trous noirs) et les neutrinos.

Cette exploration a permis au professeur Bond d'effectuer les travaux pour lesquels il a acquis sa réputation, c'est-à-dire l'écoute des « premiers cris » du jeune Univers – ces signaux contenus dans le rayonnement de fond cosmique (dit rayonnement CBR) – afin de bien comprendre le présent, en connaissant les origines de notre Univers. Le rayonnement CBR est en quelque sorte une énergie fossile de l'Univers à ses tout débuts. C'est la forme d'énergie lumineuse la plus ancienne que peut détecter un télescope, et cela représente un peu le chant du cygne photonique du big bang, qui s'est manifesté environ 400 000 ans après « le commencement ».

Au cours des années 1980, le professeur Bond et le cosmologiste George Efstathiou, de la Cambridge University, ont élaboré une théorie, appuyée par des calculs, selon laquelle les fluctuations infimes (c'est-à-dire d'infimes ondes sonores qui se sont révélées lorsque l'énergie lumineuse s'est découplée de la matière) dans le rayonnement CBR pourraient donner des indices importants sur les paramètres cosmologiques fondamentaux que sont la forme, la taille, l'âge et la composition de l'Univers.

À l'époque, nombreux étaient ceux qui doutaient que l'on réussisse un jour à enregistrer ces balbutiements sonores cosmiques, vieux de 14 milliards d'années. Mais en 2000, la mission Boomerang a fait de ces sceptiques des enthousiastes du rayonnement CBR. Point culminant d'une décennie de tentatives techniquement toujours plus complexes, cette expérience réalisée pendant 10 jours à partir du ballon Boomerang, au dessus de l'Antarctique, et dont le professeur Bond était le théoricien en chef, a capté un « instantané » acoustique très fin de la première lumière de notre Univers.

L'information obtenue grâce à la mission Boomerang a modifié la carte de l'Univers. Et comme c'est souvent le cas dans cette discipline, ces résultats ont donné lieu à davantage de questions qu'ils n'en ont résolu. La mission Boomerang a en effet démontré que nous vivons dans un Univers plat et en expansion. Mais le résultat le plus étonnant est que la cause probable de cette expansion est l'énergie noire, ou ce qu'Einstein appelait la constante cosmologique jusqu'à ce qu'il réfute lui-même la notion, jugeant que cette fameuse constante était la plus grande erreur de sa carrière.

« Mais cette énergie noire, ou constante cosmologique, semble bel et bien exister. Et c'est elle qui détermine le destin de l'Univers», souligne le professeur Bond.

Car, en effet, cette énergie noire inconnue agit comme force répulsive, s'oppose à la gravité et est plus forte que celle-ci, et elle pousse l'Univers vers le néant.

Selon les données de Boomerang, cette énergie noire représente environ 70 p. 100 de la masse et de l'énergie de l'Univers, tandis que la matière noire en représente 25 p. 100. Tout ce que nous voyons – les planètes, les étoiles, les nébuleuses et nous-mêmes les humains – constitue en quelque sorte la portion congrue : seulement 5 p. 100 de l'Univers est composé de matière baryonique, c'est-à-dire le type de matière composé de neutrons, de protons et d'électrons, dont nous sommes faits.

Le professeur Bond explique que ses travaux actuels portent essentiellement sur la façon de déterminer la nature de l'énergie noire. Comme toute personne qui se pose de grandes questions, Richard Bond va de l'avant : il se demande maintenant si le rayonnement CBR ne renferme pas des indices non seulement sur les autres types de matière et d'énergie, mais également sur les autres types d'espaces.

« Ce que nous aimerions le plus faire, c'est trouver dans les données une signature des dimensions additionnelles, explique le professeur. La plupart des travaux théoriques actuels en cosmologie portent sur l'incidence de ces dimensions additionnelles, prévues par la théorie des cordes. Nous aimerions pouvoir dire, par exemple : Regardez, nos données sur le rayonnement CBR indiquent que l'Univers est passé de 10 à quatre dimensions; elles méritent qu'on les étudie! »

Réalisations

Le professeur Bond est un bâtisseur et un chef de file de la cosmologie canadienne. Qu'il soit en train de débattre de nouvelles idées dans le café achalandé de l'ICAT à l'University of Toronto, ou qu'il préside le comité de la NASA chargé d'examiner les détecteurs du satellite Planck-Surveyor qui sera lancé en 2007, le professeur Bond fait avancer la cause de la cosmologie canadienne.

La cosmologie est une science foncièrement sans frontière, qui repose sur des expériences spatiales coûteuses requérant souvent une importante coopération technique et scientifique internationale. C'est dans ce contexte international que le professeur Bond travaille depuis plus de deux décennies pour assurer une place de choix à la science canadienne et aux chercheurs canadiens. Directeur de l'ICAT depuis 1996, il a fait la promotion du mandat de l'organisme, qui vise l'adoption d'une approche pancanadienne à l'établissement d'une science de calibre mondial, attirant des stagiaires postdoctoraux de partout au Canada et dans le monde. Cette année marque un point tournant pour ce pionnier et cette étoile de la cosmologie canadienne, car, outre la direction de l'ICAT, il a récemment accepté le poste de directeur du Programme de cosmologie et de gravité de l'Institut canadien des recherches avancées (ICRA).

Les travaux du professeur Bond jouissent d'une grande reconnaissance. En effet, il est le cosmologiste canadien le plus cité, ayant à son crédit plus de 76 citations par article entre 1981 et 1997. Le nombre de citations scientifiques est un indicateur clé de l'importance de ses recherches, sur lesquelles s'appuient les autres astronomes. Ses travaux intéressent aussi grandement le public. Selon la revue Science, le projet Boomerang a été l'une des 10 activités scientifiques les plus importantes en 2000 et en 2001.

Le professeur Bond est une source d'inspiration, un mentor affable et un enseignant qui cherche à faire ressortir le meilleur de ses étudiants et de ses collègues. En tant que membre et directeur de l'ICAT, il a contribué à la formation de plus de 100 stagiaires postdoctoraux, dont les deux tiers occupent maintenant des postes dans des universités et des laboratoires de recherche de renom partout dans le monde.

Brève biographie

J. Richard Bond est né à Toronto en 1950. Il a obtenu un baccalauréat ès sciences (mathématiques et physique) de l'University of Toronto en 1973. Il a fait ses études supérieures à Caltech, y faisant ses débuts en 1974-1975 à titre de titulaire de la prestigieuse bourse Richard P. Feynman. Son directeur de travaux y fut le Prix Nobel W.A. Fowler. Il a obtenu un doctorat en physique théorique en 1979. De 1981 à 1987, il a été professeur adjoint puis professeur agrégé de physique à la Stanford University. En 1985, il est retourné à Toronto à titre de membre fondateur de l'Institut canadien d'astrophysique théorique (ICAT), dont il est actuellement le directeur pour un deuxième mandat de cinq ans, jusqu'en 2006. En 2000, le professeur Bond a été nommé professeur à l'University of Toronto.