Le professeur Brian Hall étudie le bec déformé d'un embryon d'un oisillon au microscope. La plupart des observateurs ne verraient là que le destin non réalisé de l'oisillon. Le professeur Hall, toutefois, se penche de plus près sur la question afin de scruter le passé et de mieux comprendre l'histoire de l'évolution non seulement de cet oisillon, mais de tous les vertébrés. Sa capacité de faire la synthèse du passé et du présent a fait de lui un pionnier mondial dans le domaine du développement du squelette et dans le domaine florissant de la biologie évolutive du développement.
Charles Darwin avait prévu que la biologie du développement serait la discipline la plus apte à nous aider à comprendre l'évolution des structures du corps humain. Mais pendant la majeure partie du 20e siècle, les chercheurs se sont concentrés soit sur la biologie du développement, soit sur la biologie évolutive, sans grande osmose.
Un vent de changement a commencé à souffler au début des années 70, alors qu'un jeune biologiste australien débutait sa carrière en biologie évolutive. Vers le milieu des années 70, le professeur Hall a démontré comment le mouvement des cellules embryonnaires fait passer les cellules souches qui sont présentes dans les os en développement, de la formation des os à celle du cartilage. C'était le début de 35 ans de recherche inédite sur l'évolution et la formation du tissu osseux, particulièrement du faciès (et du crâne et des ouïes chez le poisson). C'est la recherche qui a permis de déterminer comment survient la perte osseuse lors de périodes prolongées d'inactivité ou d'alitement.
Compte tenu de sa grande curiosité intellectuelle, il n'est pas surprenant que les expériences comparatives du professeur Hall sur le développement du squelette l'aient amené à se pencher sur des particularités des cellules et à les considérer comme partie intégrante du plus grand tableau de la vie dans le cours du temps.
Pour mieux comprendre les origines du tissu osseux facial, le professeur Hall a commencé à s'intéresser aux cellules de la crête neurale. Il s'agit d'un groupe de cellules embryonnaires qui proviennent du système nerveux en formation, mais qui se déplacent pour former les os, le cartilage et les dents dans la tête. En effectuant une recherche méticuleuse sur les interactions cellulaires qui « activent » ce type de cellules, il a fait des découvertes fondamentales sur la différenciation cellulaire qui est maintenant devenue un sujet de prédilection des médias. Son livre The Neural Crest (1988) est déjà considéré comme un texte classique sur le sujet.
Sa recherche en laboratoire a démontré comment des grappes particulières de cellules de la crête neurale produisent des structures faciales particulières. Ses travaux sont essentiels pour comprendre les causes des difformités congénitales faciales et bucco-dentaires, y compris la fente palatine, et peut-être pour les traiter.
Dans un article avant-gardiste qu'il a rédigé en 1973, le professeur Hall a décrit l'évolution des tissus osseux du squelette. Depuis, il est à l'avant-scène des efforts visant à expliquer le rôle des modifications développementales en tant que facteur dans l'évolution, ayant entre autres rédigé un texte faisant autorité sur le sujet, Evolutionary Developmental Biology (1992). Pour ce, il s'est fondé sur sa riche expérience expérimentale pour remettre en question des concepts sacro-saints de longue date en biologie. Par exemple, l'homologie, c'est-à-dire la similarité, des structures entre différentes espèces a longtemps été considérée comme une preuve véritable des origines communes. Mais le professeur Hall a démontré que de nombreuses structures actuellement considérées comme homologues proviennent en fait de processus développementaux différents.
Il passe maintenant à la prochaine étape qui consiste à combiner le passé et le présent en établissant l'un des rares laboratoires au monde dans lequel travaillent des embryologistes, des paléontologistes et des spécialistes de la biologie évolutive. Ensemble ils cherchent à savoir non pas si c'est l'œuf ou la poule qui est venu en premier, mais plutôt comment ils ont évolué ensemble.
Réalisations
Auteur prolifique, le professeur Hall a été comparé au regretté Stephen J. Gould pour sa capacité d'expliquer avec perspicacité les concepts complexes de l'évolution. Auteur et éditeur scientifique de plus de 16 livres (cinq autres livres sont sous presse ou en préparation), son ouvrage de 1988, The Neural Crest, est toujours considéré comme un classique. Son ouvrage Evolutionary Developmental Biology (1992) a été l'un de ses premiers livres à offrir un cadre conceptuel pour cette nouvelle discipline, et en tant que tel en a stimulé la croissance. La seconde édition (1998) a été traduite en japonais.
Le professeur Hall a reçu de nombreuses distinctions honorifiques canadiennes et internationales, y compris la médaille Fry de la Société canadienne de zoologie (1994) pour sa contribution exceptionnelle aux connaissances et à la compréhension dans un domaine de la zoologie. En 1996, il a reçu l'International Craniofacial Biology Distinguished Scientist Award. L'année dernière, la Société des naturalistes de Saint-Pétersbourg, en Russie, lui a remis la médaille Alexander Kowalevsky, décernée aux huit scientifiques les plus éminents du 20e siècle en zoologie comparative et en embryologie évolutive. Plus tôt cette année, il a été nommé membre honorifique étranger de l'American Academy of Arts and Sciences.
Le professeur Hall joue un rôle actif en tant que rédacteur adjoint ou membre du comité consultatif de rédaction de cinq revues scientifiques.
Expérimentateur insatiable et productif, le professeur Hall a rédigé plus de 200 articles scientifiques pour des revues avec comité de lecture. Il a également agi à titre de mentor pour plus de 60 étudiants de 1er cycle, étudiants diplômés et stagiaires postdoctoraux.
Le professeur Hall a obtenu un baccalauréat ès sciences (zoologie) en 1963 et un doctorat (zoologie) en 1969 à l'University of New England, à Armidale, en Australie. En 1968, le professeur Hall a déménagé à Halifax pour débuter sa carrière de professeur à la Dalhousie University, poste qu'il occupe maintenant depuis 34 ans. Professeur adjoint de biologie à ses débuts, il a été directeur du Département de biologie, professeur de physiothérapie (1989-1992), titulaire de deux chaires d'enseignement Killam (de 1990 à 1995 et de 1996 à 2001) et, depuis 2001, est le professeur de biologie George S. Campbell de l'Université. En juillet 2002, le professeur Hall est devenu l'un des quatre premiers professeurs-chercheurs de la Dalhousie University.