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Ancien lauréat
Médaille d'or Gerhard-Herzberg en sciences et en génie du Canada de 2003

Arthur McDonald

Directeur, Institut de l'Observatoire de neutrinos de Sudbury

Queen's University


Arthur McDonald
Arthur McDonald

Au cours des 30 dernières années, le professeur Arthur (Art) McDonald a recherché des failles dans le Modèle standard – ce modèle qui décrit comment les physiciens voient le monde atomique et ses mécanismes fondamentaux. Son travail a consisté à fracasser des atomes, mais, plus souvent, à en sonder délicatement l'intérieur afin d'en déceler les plus petites disparités. Il a trouvé un monde décrit presque exactement par le Modèle standard. Jusqu'à ce qu'il se mette à étudier les neutrinos.

« L'Observatoire de neutrinos de Sudbury (SNO) démontre clairement en quoi le Modèle standard est incomplet. En effet, celui-ci postule qu'il existe trois types de neutrinos qui ne passent pas d'un type à l'autre, et dont la masse n'est pas supérieure à zéro. En fait, ces deux hypothèses sont erronées », explique M. McDonald, un des trois finalistes à la Médaille Herzberg du CRSNG de 2003. « De plus, nos mesures pourraient permettre de démontrer que les théories actuelles sur la manière dont le Soleil brûle sont très exactes. »

Ces découvertes découlent de l'une des grandes expériences de physique du XXe siècle, celle réalisée sous terre au SNO, une entreprise scientifique colossale et d'envergure internationale qui a vu le jour il y a 20 ans. Le SNO est une réalisation scientifique canadienne exceptionnelle, point de convergence d'éléments à prime abord disparates : de l'eau lourde, une mine à deux kilomètres sous le sol, ainsi que d'importantes compétences et un vaste réseau de relations dans le domaine de la physique. Grâce à son leadership patient, méthodique et énergique, M. McDonald a été la cheville ouvrière de ce succès.

Pour M. McDonald, les résultats initiaux du SNO représentent l'aboutissement de plus de trois décennies passées à étudier les recoupements entre la physique nucléaire, la physique des particules et l'astrophysique, notamment la mesure des phénomènes subatomiques aux limites ultimes de détection.

Au milieu des années 1960, pendant que les Beach Boys faisaient des vagues, M. McDonald faisait partie d'un groupe à Pasadena, en Californie, intéressé à attraper les rayons du Soleil non pas à la plage, mais plutôt en laboratoire. En effet, William Fowler, directeur du groupe à Caltech, où M. McDonald a fait ses études de doctorat, se méritera plus tard le prix Nobel pour ses travaux sur les réactions nucléaires au cœur des étoiles, dont notre Soleil. Toutefois, la théorie de M. Fowler, élargie plus tard par John Bahcall, s'est rapidement butée à un mur incontournable. Alors que la majeure partie des expériences donnaient des résultats conformes, en grande partie, à son Modèle solaire standard, la mesure du flux de neutrinos atteignant la Terre, réalisée pour la première fois au milieu des années 1960 par Raymond Davis (lauréat du prix Nobel), donnait des résultats beaucoup trop faibles – une anomalie connue sous le nom d'« énigme des neutrinos solaires ».

Les neutrinos sont des particules extrêmement abondantes, produites par les réactions nucléaires au cœur du Soleil. Ils n'interagissent que très faiblement avec la matière, et ils quittent donc le Soleil en quelques secondes pour atteindre la Terre à la vitesse de la lumière.

Pendant que de nombreuses expériences tentaient, en vain, de résoudre l'énigme des neutrinos solaires, M. McDonald peaufinait ses techniques d'étude du Modèle standard, notamment l'étude des interactions faibles, l'une des quatre forces fondamentales (les trois autres étant la force forte qui retient les noyaux atomiques ensemble, la gravité et l'électromagnétisme). D'abord aux Laboratoires de Chalk River d'Énergie atomique du Canada limitée (EACL), dans la vallée de l'Outaouais, puis à la Princeton University, M. McDonald a conçu des techniques avancées pour étudier les différences infimes (quelques parties par million) dans la symétrie des réactions nucléaires et le rôle qu'y joue la force faible.

En 1989, après avoir été pendant deux ans le porte-parole du projet SNO aux États-Unis, il en est devenu le directeur. Le projet SNO a vu le jour en 1984 sous la cogouverne de Herb Chen, de l'University of California à Irvine, et de George Ewan, de la Queen's University.

« Nous savions dès le départ que nous pourrions obtenir des réponses importantes si nous pouvions seulement réaliser l'expérience », explique M. McDonald.

Ce petit si allait s'avérer colossal.

M. McDonald a donc dirigé la construction du détecteur de neutrinos le plus sensible à l'heure actuelle, le SNO. Il s'agissait d'un projet massif d'ingénierie qui a nécessité la fabrication d'un détecteur de neutrinos d'une hauteur de 10 étages, d'une propreté extrême, contenant 1 000 tonnes d'eau lourde (un prêt d'AECL d'une valeur de 300 millions de dollars), le détecteur étant construit à deux kilomètres sous terre dans la mine de nickel Creighton d'INCO Ltd., à Sudbury. Le SNO devait être le premier détecteur de neutrinos pouvant détecter les trois types de neutrinos (électronique, muonique et tauonique), et pouvant distinguer les neutrinos électroniques des autres.

Il a également mis sur pied une équipe, « Team Neutrino », une collaboration diversifiée et hautement compétente regroupant plus de 130 chercheurs et techniciens de plus d'une douzaine d'universités au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Le groupe a construit un détecteur à partir de matériaux dont la radioactivité naturelle est un milliard de fois inférieure à celle qu'on retrouve dans l'eau du robinet, et il a de plus conçu des appareils électroniques spécialisés, puis élaboré des modèles informatiques détaillés des résultats escomptés.

Depuis novembre 1999, le SNO enregistre les signaux énergétiques à peine perceptibles produits par les neutrinos solaires qui heurtent le détecteur. Celui ci a enregistré près d'un demi-milliard d'événements (dus à toutes sortes d'énergies radioactives), pour en extirper des milliers de « signaux neutrinos réels ». L'équipe du SNO a pu tirer une conclusion tout à fait remarquable : les neutrinos électroniques produits par le Soleil se transforment en leurs autres formes pendant leur trajet depuis le centre du Soleil jusqu'à la Terre, ce qui signifie qu'ils ont aussi une masse. Ces résultats ont également confirmé de façon convaincante l'exactitude des modèles solaires détaillés de MM. Fowler et Bahcall.

L'annonce de ces résultats a défrayé les manchettes partout dans le monde et a mené les physiciens à en étudier les conséquences, notamment à déterminer si ces neutrinos « caméléons » pouvaient constituer toute la matière noire de l'Univers (une possibilité déjà mise en doute par les résultats du SNO et d'autres mesures).

Grâce à un financement de la Fondation canadienne pour l'innovation, il sera possible de construire le SNOLAB, un nouveau laboratoire souterrain international près du SNO, visant à étudier davantage les particules venant du cosmos pour vérifier l'exactitude du Modèle standard. Cette fois-ci, on cherchera à étudier les particules massives à interaction faible (appelées mauviettes ou WIMPS en anglais pour Weakly Interacting Massive Particles), particules énigmatiques prédites par des théories qui vont au delà du Modèle standard, qui pourraient bien expliquer la matière noire dont serait constitué 25 p. 100 de l'Univers. Mais après le rôle qu'ont joué M. McDonald et la collaboration du SNO dans la découverte de la mutation des types de neutrinos, l'étude de quelque chose qu'on n'a jamais vu et qu'on ne connaît pas encore bien, même en théorie, n'est pas si irréaliste en soi.

Réalisations

M. McDonald est un mentor, un coordonnateur et un bâtisseur d'équipe qui joue un rôle clé parmi les chercheurs canadiens et étrangers en physique nucléaire, en physique des particules et en astrophysique. Depuis son arrivée dans le monde universitaire en 1982, M. McDonald a supervisé ou appuyé la recherche de plus de 100 étudiants diplômés, stagiaires postdoctoraux et attachés de recherche. Le projet SNO, et maintenant le projet SNOLAB, sont des milieux de formation exceptionnels pour les physiciens des particules, les physiciens nucléaires et les astrophysiciens, qui attirent des douzaines d'étudiants venant du Canada et de partout dans le monde et auxquels participent des scientifiques de la Grande-Bretagne, des États-Unis et du Canada. « Je suis très conscient que l'une des raisons du succès de SNO repose sur les compétences et le travail d'équipe fantastiques des quelque 160 scientifiques qui ont participé au projet », souligne M. McDonald.

En plus de diriger le projet SNO, il préside également le Comité consultatif du programme de cosmologie et de gravité de l'Institut canadien des recherches avancées.

Grâce à son leadership dans le cadre du projet SNO et à son insistance à partager les résultats du projet, M. McDonald est devenu le porte parole principal de la communauté des physiciens du Canada. Il a donné des entrevues au sujet du SNO à des journalistes du monde entier, et il a récemment corédigé l'article principal du numéro d'avril 2003 de Scientific American, sur le SNO. De plus, il a été invité à présenter des exposés sur le SNO et les observatoires de neutrinos en général dans des conférences importantes. En octobre, il sera l'orateur invité à l'UK-Canada Rutherford Lecture, devant la Royal Society, à Londres en Angleterre.

Brève biographie

Arthur McDonald est né à Sydney (Nouvelle Écosse), le 29 août 1943. Il a obtenu un baccalauréat ès sciences (avec spécialisation en physique) de la Dalhousie University à Halifax (Nouvelle-Écosse) en 1964, puis une maîtrise ès sciences (physique) au même endroit. Il a poursuivi ses études au California Institute of Technology, à Pasadena, pour y décrocher en 1969 un doctorat en physique nucléaire. De 1969 à 1981, il a travaillé aux Laboratoires nucléaires de Chalk River d'Énergie atomique Canada limitée, où il a effectué des expériences de physique nucléaire fondamentale avec des accélérateurs de particules. En 1981, il est devenu professeur au Département de physique de la Princeton University (New Jersey) et il y a poursuivi son programme de recherche à titre de cochercheur principal du programme Princeton Cyclotron. En 1989, il est devenu professeur de physique à la Queen's University à Kingston (Ontario) et directeur de l'Institut de l'Observatoire de neutrinos de Sudbury (SNO). Une chaire de recherche universitaire lui a été octroyée à la Queen's University en 2002.