Des spécialistes du synchrotron découvrent des images perdues du 19e siècle
Daguerréotypes où la photographie est cachée par la ternissure (sections A), mais visible grâce aux rayons X du synchrotron (sections B).
Mention de source : Madalena Kozachuk
Les conservateurs d’art pourront récupérer des images produites par daguerréotype, la plus ancienne technique de photographie, qui consistait à utiliser des plaques d’argent, parce que les scientifiques ont appris à utiliser la lumière pour voir à travers les parties qui se sont dégradées avec le temps.
L’article publié à ce sujet dans les Scientific Reports présente deux images qui ont été fournies par le service de recherche sur la photographie du Musée des beaux‑arts du Canada. On y voit des photographies qui auraient été prises dès 1850, mais qui n’étaient plus visibles en raison du ternissement et d’autres dommages. Les images récupérées, une d’une femme et une d’un homme, étaient méconnaissables.
« Il est tout à fait inattendu que nous puissions voir l’image. Nous ne voyons rien sur la plaque, parce que la photographie s’est effacée au fil du temps. Mais maintenant nous pouvons la voir, ainsi que de nombreux détails : les yeux, les plis du vêtement, les motifs finement brodés de la nappe … », explique Madalena Kozachuk, doctorante au Département de chimie de la Western University et auteure principale de l’article scientifique.
Depuis trois ans, Mme Kozachuk et une équipe interdisciplinaire de scientifiques explorent comment utiliser la technologie du synchrotron pour en apprendre davantage au sujet des changements chimiques qui endommagent les daguerréotypes.
Inventé en 1839, le daguerréotype était créé à l’aide d’une plaque de cuivre recouverte d’argent finement poli qui était sensible à la lumière sous l’effet de la vapeur d’iode. Les sujets devaient tenir la pose sans bouger pendant deux à trois minutes pour que l’image soit gravée sur la plaque. Cette image était ensuite transformée en photographie à l’aide de vapeur de mercure chauffée.
Mme Kozachuk a réalisé la plupart de ses travaux au Centre canadien de rayonnement synchrotron (CCRS). Elle avait déjà publié des articles dans des revues scientifiques en 2017 et au début de la présente année. Dans ces articles, les membres de l’équipe expliquent la composition chimique de la ternissure et sa transformation d’un point à un autre du daguerréotype.
Mme Kozachuk a déterminé la distribution du mercure sur les plaques d’une largeur d’environ 7,5 cm à l’aide de l’imagerie de la fluorescence émise par le balayage rapide d’un microfaisceau de rayons X. Il lui a fallu environ huit heures pour balayer chaque daguerréotype avec un faisceau de rayons X de 10 × 10 µm (la largeur moyenne d’un cheveu humain est de 75 µm) à l’énergie optimale pour détecter l’absorption par le mercure.
« Le mercure est le principal élément qui contribue à la création des images captées dans ces photographies. Même si la surface est ternie, les particules de l’image demeurent intactes. En étudiant le mercure, nous pouvons récupérer des images très détaillées », ajoute Tsun‑Kong (T.K.) Sham, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en matériaux et radiation synchrotronique de la Western University. Les travaux de recherche en cours de Mme Kozachuk contribueront à améliorer la récupération des daguerréotypes lorsque le nettoyage est possible et permettront de voir ce qui se trouve sous la ternissure lorsque le nettoyage n’est pas possible. Mme Kozachuk sera de retour au CCRS à l’automne pour poursuivre ses travaux.
La daguerréotypie est le premier procédé photographique qui a été commercialisé. C’est pourquoi elle est considérée comme la première « véritable » représentation visuelle de l’histoire. Contrairement aux peintres qui jouissaient d’une certaine « liberté poétique », les daguerréotypistes reproduisaient fidèlement ce qu’ils photographiaient.
En améliorant la restauration de ces images centenaires, les scientifiques contribuent à la reconstitution de l’histoire. Il est désormais possible de voir des images montrant la vie des gens du 19e siècle que l’on croyait perdues.
Cet article a été adapté et traduit avec la permission du Centre canadien de rayonnement synchrotron et de la Western University.
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