Les cellules humaines adoptent des stratégies d'adaptation complexes au manque d'oxygène. Les travaux réalisés par Karim Mekhail à l'Université d'Ottawa nous ont permis de mieux comprendre ces stratégies, ce qui pourrait accroître notre capacité d'utiliser les processus naturels de l'organisme pour combattre certains états pathologiques. Ces découvertes ont valu à Karim Mekhail le Prix de doctorat du CRSNG.
Les cellules manquent d'oxygène pour diverses raisons, notamment l'exercice, la croissance de tumeurs et les troubles « ischémiques » tels que l'anémie, les accidents cérébrovasculaires et le diabète, qui entravent la circulation normale du sang. Lorsque cela se produit, les cellules modifient certains de leurs processus internes, notamment l'emplacement et la fonction de certaines protéines.
Les facteurs induits par l'hypoxie (hypoxia-inducible factor ou HIF) comptent parmi ces protéines. La protéine HIF est habituellement inactive, mais elle devient active lorsque le niveau d'oxygène chute. Elle se fixe ensuite à divers gènes du noyau de la cellule pour réguler son métabolisme et stimuler la formation de cellules et de vaisseaux sanguins. Au début, ces changements contribuent à prévenir les lésions des tissus et à long terme, à rétablir le niveau d'oxygène normal.
Quand le niveau d'oxygène revient à la normale, une deuxième protéine appelée VHL (Von Hippel-Lindau) reconnaît et détruit la protéine HIF, et la cellule reprend son fonctionnement normal.
Cette interaction HIF-VHL est une lame à deux tranchants. Du côté des avantages, elle contribue à prévenir l'apparition et la croissance de tumeurs. Cependant, elle peut aussi ralentir la guérison après certaines maladies, par exemple un accident cérébrovasculaire. C'est pourquoi il est important de savoir exactement ce qui active la protéine HIF et le moment où la protéine VHL entre en jeu. Les travaux de M. Mekhail ont justement permis de jeter une lumière sur cette interaction et apporté des précisions intéressantes à cet égard.
Le facteur clé de cette interaction repose sur l'acidification de la cellule lorqu'elle est privée d'oxygène. Dans de telles conditions, la demande d'énergie de la cellule diminue, et la protéine VHL est « piégée » par son nucléole, permettant à la protéine HIF d'interagir avec ses gènes cibles et de les activer. Ce phénomène est inversé lorsque le niveau de pH revient à la normale.
En plus d'expliquer le rôle de l'acidification dans la régulation de l'interaction VHL-HIF, les travaux de M. Mekhail ont permis de repérer d'autres protéines qui peuvent être « piégées » sous l'effet de l'acidification. Ces découvertes aboutiront à la mise au point de thérapies qui pourront stimuler ou inhiber, au besoin, cette réaction naturelle, en vue d'aider les patients à guérir de troubles ischémiques ou de freiner la croissance de cellules cancéreuses.