Martin Dvorak voulait simplement faire son petit bonhomme de chemin lorsqu'il a établi un record mondial de vitesse. C'est du moins ce que l'on comprend lorsque ce très modeste ingénieur électricien et récent diplômé de la Simon Fraser University (SFU) explique comment il a mis au point le transistor bipolaire le plus rapide du monde.
« Je voulais seulement obtenir mon diplôme », déclare M. Dvorak, lauréat d'un Prix de doctorat de 2003 du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), l'un des prix les plus prestigieux accordés au Canada aux étudiants diplômés. « J'ai été stupéfait de battre le record du monde, parce qu'en l'espace de six mois, nous avons plus que doublé la vitesse du transistor. Lorsqu'on travaille sur un procédé quelconque faisant appel aux semi-conducteurs, mille et un problèmes peuvent survenir, affirme-t-il. J'ai tout simplement eu de la chance, car tout s'est bien passé. »
La plupart des semi-conducteurs sont fabriqués à partir de silicium et font l'objet d'une énorme production en série hautement spécialisée dans l'industrie des microprocesseurs informatiques. Cependant, lorsqu'on utilise les transistors au silicium dans des applications de haute puissance et de haute fréquence, il faut faire des compromis au chapitre de la vitesse pour pouvoir composer avec les hauts voltages et les hautes fréquences. Les fabricants d'appareils de télécommunication recherchent continuellement de nouveaux matériaux pour transistor afin de répondre à des exigences particulières concernant, entre autres, les éléments des radars et des satellites et le matériel d'essai à haute fréquence.
Afin de remplacer le silicium, M. Dvorak utilise un « sandwich » semi-conducteur constitué de couches de phosphure d'indium, d'antimoniure et d'arséniure de gallium puis encore de phosphure d'indium – une combinaison qui forme un transistor spécialisé appelé « transistor bipolaire à hétérojonction ».
Cette méthode avait été suggérée par son directeur de travaux, M. Colombo Bolognesi, qui avait recruté M. Dvorak à la SFU en 1995 afin qu'il soit le premier étudiant à travailler dans son nouveau laboratoire de recherche. Simon Watkins, professeur de physique à la SFU, a fourni le réacteur de synthèse et l'expertise nécessaires pour créer ces uniques plaquettes de semi-conducteur.
« Les propriétés physiques de ces semi-conducteurs permettent aux électrons de se déplacer très rapidement. En outre, les structures semi-conductrices sont petites; les électrons n'ont donc pas à se déplacer très loin », explique M. Dvorak, qui travaille maintenant chez Agilent Technologies Inc., en Californie, afin de commercialiser des technologies similaires. En 2001, il a réussi à fabriquer un transistor d'une vitesse de 305 gigahertz (GHz) qui était à ce moment-là le transistor bipolaire le plus rapide jamais créé dans un matériau semi-conducteur. Depuis, ce record de vitesse a été dépassé; il appartient maintenant à IBM, qui a atteint la vitesse de 375 GHz.
Ce qui rend le record de M. Dvorak encore plus impressionnant, c'est qu'il l'a établi dans une petite université canadienne en utilisant des outils peu coûteux, et non dans le département de R et D d'une multinationale.
Afin d'effectuer ses travaux de recherche, M. Dvorak a dû assumer le rôle d'homme à tout faire. Il a raffiné les techniques lithographiques servant à la fabrication des puces, mis au point des méthodes d'essai des hautes vitesses pour vérifier les performances des transistors et s'est inspiré de trois générations de technologies des procédés pour créer un procédé de fabrication simple.
Outre Agilent Technologies, de nombreuses autres entreprises, y compris Nortel Networks, se lancent maintenant dans la course au développement de technologies basées sur les transistors au phosphure d'indium.
Ironiquement, la recherche qui a mené à l'établissement de ce record par M. Dvorak a coïncidé avec un ralentissement sans précédent dans le secteur technologique.
« Lorsque j'étais étudiant, nous pensions tous que nos études en génie électrique nous assureraient un avenir certain notre vie durant, que nous aurions toujours de bons emplois et des salaires élevés et que les entreprises nous réclameraient à grands cris, raconte M. Dvorak. Maintenant, je me considère chanceux d'avoir un emploi. »