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La préservation de la biodiversité constitue l'un des principaux défis sociaux et scientifiques de l'heure. Grâce à ses travaux portant sur la façon dont les espèces s'adaptent et évoluent en réaction aux changements survenus dans leur environnement, Graham Bell est en première ligne de ce combat.
Le biologiste évolutionniste mène sur plusieurs fronts des travaux qui sont salués dans le monde entier. Pour les besoins des expériences de pointe menées dans son laboratoire, il isole différents facteurs dans le but de déterminer leur incidence sur l'adaptation et l'évolution. Il effectue par la suite des travaux sur le terrain pour vérifier dans le monde réel les découvertes faites en laboratoire. Enfin, M. Bell réalise des études théoriques fondées en grande partie sur des simulations informatiques s'inspirant des collectivités écologiques en ce qui concerne la diversité globale, la structure du réseau alimentaire et l'évolution.
« Comment la population est-elle susceptible de s'adapter à un changement environnemental donné quand il se produit? Voilà l'une des questions les plus importantes dans le domaine de l'évolution », explique-t-il. Certains organismes sont assez polyvalents pour faire face au changement sans s'adapter. D'autres vont s'établir dans un environnement plus accueillant. Ceux qui restent doivent s'adapter ou ils meurent. Graham Bell s'emploie à déterminer l'incidence de facteurs tels que la taille de la population, l'intensité du stress ou le rythme du changement sur l'adaptation et la survie.
Si certains biologistes doutent de l'utilité des travaux de laboratoire en conditions contrôlées pour aider à comprendre les mécanismes évolutionnistes qui régissent les populations vivant dans des écosystèmes complexes et variables, M. Bell est fermement convaincu de leur importance. Il affirme que l'étude de micro-organismes permet en effet de créer un écosystème miniature représentatif du monde réel où les générations se succèdent très rapidement en raison du cycle de vie court de ses habitants.
« Bien entendu, il y a des aspects que les microbes ne permettent pas d'étudier, reconnaît le chercheur, citant à titre d'exemple les questions qui touchent expressément la multicellularité ou la sexualité. Toutefois, à l'instar des végétaux ou des animaux de plus grande taille, les micro-organismes sont généralement soumis aux règles qui régissent la sélection naturelle et l'adaptation. « Ce qui est vrai pour E. coli l'est aussi à plus forte raison pour les éléphants », signale-t-il en citant le biochimiste Jacques Monod, lauréat d'un prix Nobel. Autrement dit, pour des influences environnementales identiques, le degré d'adaptation ou de mutation sera le même d'une génération à l'autre quel que soit l'organisme.
En s'appuyant sur ce fait, M. Bell a prédit ce qu'il pourrait advenir de la vie végétale si les niveaux de dioxyde de carbone (CO2) continuent d'augmenter dans l'atmosphère. En étudiant Chlamydomonas reinhardtii, algue unicellulaire qui se reproduit à intervalles de six à huit heures, il a étudié des milliers de générations exposées à des concentrations de CO2 qui augmentent légèrement d'un cycle de reproduction à l'autre.
Comme les végétaux ont besoin de CO2 pour survivre, il n'est pas étonnant que la croissance des algues s'accélère à mesure que sa concentration augmente. Toutefois, en raison même de l'abondance de CO2, les algues en arrivent aussi tôt ou tard à perdre la capacité de le capter par elles-mêmes et de s'en servir pour assurer la photosynthèse. C'est comme si elles avaient pris l'habitude d'être gavées et qu'elles ne pouvaient plus se nourrir par elles-mêmes. « Les algues ne s'adaptent pas de manière à améliorer leur fonctionnement en présence d'une forte concentration de CO2, explique M. Bell. Au contraire, les mécanismes qu'elles utilisent d'ordinaire pour faire face à une faible concentration de CO2 deviennent inefficaces. »
Le chercheur s'efforce par ailleurs de comprendre l'incidence des différents modes de reproduction sur la capacité d'adaptation et de survie d'un organisme. La reproduction est certes nécessaire pour préserver l'espèce, mais elle oblige les différents organismes à y consacrer de l'énergie et des ressources, ce qui réduit leurs propres chances de survie. « Plus la reproduction est intense, plus on risque de mourir avant de pouvoir se reproduire de nouveau », ajoute-t-il. Le saumon, qui meurt immédiatement après s'être reproduit, est l'exemple extrême de ce phénomène.
La reproduction sexuelle comporte une autre limite, car seulement la moitié des gènes de chaque partenaire est transmise à la génération suivante. Or, l'autre moitié pourrait présenter des caractéristiques utiles propres à faciliter la survie de la génération suivante. Dans une perspective évolutionniste, l'efficience de ce type de reproduction s'en trouve diminuée. D'après M. Bell, cela signifie qu'il doit y avoir un autre avantage pour compenser la perte d'information génétique.
Le chercheur affirme que la réponse réside dans le fait que la progéniture issue de la reproduction sexuelle est diversifiée, tandis que celle provenant d'une reproduction asexuelle est identique au parent. « La reproduction sexuelle présente un avantage sur le plan écologique, car la progéniture devrait être différente de ses parents si l'environnement est appelé à changer radicalement de temps à autre, précise M. Bell. Cette forme de reproduction facilite l'adaptation, car elle permet de combiner les mutations. »
La modélisation informatique joue un rôle de plus en plus important dans l'élaboration et la mise à l'essai de théories portant sur l'évolution et la biodiversité. La conception de programmes permettant de simuler des écosystèmes complexes et d'obtenir des données utiles représente un défi, mais l'amélioration de la technologie a aplani les difficultés inhérentes à cette tâche. Le problème est en partie attribuable au fait que l'on peut considérer chaque espèce comme une population globale, mais la modélisation de son comportement ne peut faire abstraction de la possibilité d'action autonome chez les individus qui en font partie. Le laboratoire de M. Bell a mis au point le système électronique Uqbar, qui vise à imiter ces réalités aussi fidèlement que possible.
Ses efforts de modélisation ont montré que la biodiversité atteint son maximum lorsque la productivité biologique globale se situe à un niveau intermédiaire, conclusion d'ailleurs corroborée par des expériences de laboratoire. Si la productivité biologique est trop élevée – par exemple, en cas de prolifération d'algues dans un lac –, une espèce en arrive à dominer les autres.
Lorsqu'il n'étudie pas la biodiversité et l'évolution, Graham Bell en fait la promotion. Il dirige le Musée Redpath de l'Université McGill, qui a pour mission de mettre en valeur l'histoire naturelle, particulièrement les artéfacts géologiques, biologiques et culturels. Il est par ailleurs président fondateur de la Société canadienne d'écologie et d'évolution, organisme à but non lucratif qui favorise la sensibilisation, l'étude et la recherche dans le domaine.
D'autres biologistes font souvent appel aux compétences de M. Bell. Auteur prolifique, il a notamment publié pas moins de sept articles dans la prestigieuse revue Nature et trois ouvrages marquants sur l'évolution.
Tout en sachant fort bien que ses recherches ne peuvent empêcher les perturbations environnementales qui menacent la biodiversité, Graham Bell affirme être en mesure de proposer un point de référence pour des facteurs tels que le niveau de population requis pour assurer la survie de différents organismes. Il espère que cette information permettra d'élaborer des politiques et des pratiques éclairées dans le but d'atténuer la perte de biodiversité.