Le racisme systémique modifie la diversité génétique de la faune, selon une étude de l’Université du Manitoba
Les pratiques raciales discriminatoires en matière de logement aux États-Unis ont eu un impact sur la génétique de la faune urbaine, selon une nouvelle étude de l’Université du Manitoba publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (en anglais).
Dirigée par Chloé Schmidt, récente diplômée de l’Université du Manitoba, l’équipe de recherche a étudié la variabilité génétique de différentes populations urbaines de mammifères, d’amphibiens, de reptiles et d’oiseaux. Elle a constaté un lien systématique entre la diversité génétique des populations fauniques et la composition raciale des quartiers. Les secteurs principalement habités par des Blancs abritaient des populations animales interdépendantes plus nombreuses et plus diversifiées sur le plan génétique que celles des quartiers où vivent principalement des personnes de couleur.
Cette situation est en partie attribuable à la pratique connue sous le nom de « redlining », autrefois imposée par le gouvernement, qui a donné naissance à la ségrégation raciale par quartier. Même si cette pratique a été interdite par le Fair Housing Act de 1968, c’est à elle que l’on doit la géographie urbaine façonnée par la race et la structure sociale, qu’on trouve encore de nos jours dans les villes américaines. Aujourd’hui, par exemple, la superficie de la couverture arborée des quartiers autrefois considérés comme de classe élevée (A) correspond en moyenne à près du double (en anglais) de celle des quartiers qui étaient les moins bien classés (D).
« La structure des villes, qui est fondée en partie sur des pratiques racistes en matière de logement, crée des environnements très peu propices à la persistance à long terme des espèces sauvages », explique Mme Schmidt. « Et comme la diversité génétique évolue généralement lentement en réaction aux changements de l’environnement, nous commençons probablement tout juste à constater l’étendue des effets de la structure urbaine sur la diversité génétique. Heureusement sans doute, les effets que nous avons observés étaient assez peu marqués, et nous arriverons donc peut-être à ralentir ou à renverser la perte de diversité génétique en répartissant plus équitablement les ressources naturelles, comme les arbres de rue et les parcs urbains. »
Les quartiers habités par des personnes de couleur étaient — et sont encore — souvent situés près d’autoroutes, de chemins de fer ou même de murs de béton. Une telle proximité nuit aux humains, mais également aux espèces sauvages; c’est ce qui explique que les populations fauniques dans ces quartiers sont de petite taille et perdent rapidement de leur diversité génétique.
Inversement, les quartiers qui ont de tout temps exclu les minorités abritent des populations plus importantes et plus interdépendantes, qui ont de meilleures chances de survivre face à des stresseurs environnementaux, car c’est la diversité génétique qui alimente les changements évolutifs et l’adaptation.
En outre, les résultats de l’étude indiquent que la ségrégation contribue à la répartition inégale des ressources naturelles entre les différents quartiers des villes, ce qui a une incidence sur la faune. Toujours selon l’étude, notre capacité limitée à abriter des populations sauvages importantes et interdépendantes dans certains secteurs se trouve à réduire l’accès à la nature dans ces endroits et à renforcer les inégalités environnementales dont souffrent les quartiers principalement peuplés de personnes de couleur.
Cette étude repose sur les travaux antérieurs du groupe de recherche en écologie des populations et en génétique de l’évolution (en anglais) de l’Université du Manitoba, lequel est dirigé par Colin Garroway, professeur de sciences biologiques.
« Les gens oublient parfois que nous coexistons avec la nature et que nous en retirons des bénéfices, en ville comme en dehors de la ville », affirme M. Garroway. « L’ampleur des changements de l’habitat dans les villes est énorme, et cela représente la plupart du temps un défi pour les espèces sauvages. Étant donné que nous constituons l’élément distinctif des villes, il est important de reconnaitre que nous pouvons changer notre comportement et améliorer la biodiversité urbaine, pour le bien des humains et des espèces urbaines. »
Cette étude a été réalisée grâce à une subvention à la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, à une bourse d’études supérieures de l’Université du Manitoba et à une subvention de financement GETS (Graduate Enhancement of Tri-council Stipends) de l’Université du Manitoba.
Cet article a été traduit et publié avec la permission de l’ Université du Manitoba.
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