Démystifier le travail du personnel de recherche
Épauler les chercheurs et chercheuses, encadrer les étudiants et étudiantes, organiser le travail au quotidien, gérer les budgets : le personnel de recherche a des compétences variées et touche à tout dans un laboratoire. Anne-Sophie Poulin-Girard, membre du Conseil du CRNSG et ancienne professionnelle de recherche, s’est entretenue avec Mireille Quémener, professionnelle la recherche au Centre de recherche CERVO de l’Université Laval, pour nous présenter ce travail crucial dans la création et la diffusion du savoir scientifique encore méconnu.
Quel est le rôle d’une professionnelle ou d’un professionnel de recherche (PPR)?
Les PPR* sont des personnes diplômées universitaires qui aident au quotidien à la réalisation des travaux d’une équipe de recherche, le plus souvent embauchées pour la durée d’un projet de recherche. Leurs tâches varient d’une équipe à l’autre, mais elles sont généralement très diversifiées allant de la formation du personnel étudiant à la préparation d’échantillons, à l’analyse des résultats et leur diffusion en passant par la gestion des finances. Il n’est pas rare que les PPR participent à l’écriture des demandes de subvention ou d’articles scientifiques et à l’élaboration du programme de recherche lui-même. En fait, les PPR passent en général plus de temps dans le laboratoire que les chercheuses et chercheurs principaux affairés à d’autres tâches comme l’enseignement. Ils sont aussi la mémoire du laboratoire, car ils consignent les apprentissages du groupe et assurent la transition entre les cohortes étudiantes qui vont et viennent pour s’assurer de conserver le savoir acquis.
Pourquoi avoir choisi le travail de PPR?
Quand j’étais au baccalauréat en génie physique, j’ai fait plusieurs stages en recherche et j’ai adoré l’expérience. J’ai donc décidé de faire une maitrise en physique qui allait me permettre de faire de la recherche. C’est là que j’ai découvert le rôle de PPR. Au premier cycle, je côtoyais le professeur-chercheur, mais là j’observais le travail de personnes chargées de la formation et du bon déroulement du projet de recherche à toutes ses étapes. Je n’ai pas voulu me spécialiser en continuant au doctorat; j’aimais la vision globale qu’on a dans ce rôle et pouvoir développer une panoplie de compétences. C’est un mythe de penser que les PPR aspirent invariablement à devenir professeur, ce n’est pas du tout le même travail. Au Centre de recherche CERVO où je suis ingénieure, j’ai la chance de travailler sur plusieurs projets qui touchent autant à l’ingénierie qu’à la neuroscience.
De quel accomplissement êtes-vous la plus fière?
J’ai instauré des projets de groupe, car je crois beaucoup au travail d’équipe en recherche malgré que c’est souvent un milieu où l’on travaille en solitaire : chacun avance son propre projet de recherche. Chaque début d’été, je propose au personnel étudiant et aux stagiaires de se pencher en groupe sur un projet dont le but est bien défini et dont la trajectoire est plus circonscrite qu’un projet de maitrise ou doctorat traditionnel. L’an dernier, c’était l’analyse de données de spectroscopie du cerveau humain afin d’identifier les types de tissus cérébraux. Le groupe s’est documenté, a lu sur les analyses possibles, testé, validé, tout ça en équipe. Même si cette activité se fait sur une base volontaire, elle a beaucoup de succès et nous avons même publié un article scientifique co-signé par tous les membres du groupe. En plus d’être une belle réalisation scientifique, il y a un esprit d’entraide et de collaboration qui s’installe au sein du groupe et les connaissances acquises peuvent aussi être utilisées dans le cadre des projets individuels de maitrise ou de doctorat des participants et participantes. C’est un peu la marque de commerce du labo maintenant. Ce projet démontre bien la liberté que j’ai dans mes fonctions et la possibilité que j’ai d’innover.
Comment peut-on mieux faire connaitre ce métier?
C’est en effet un travail dans l’ombre malgré la contribution majeure des PPR tout au long du processus de recherche et d’innovation. Je pense qu’il manque de modèles de PPR auprès de la communauté étudiante du premier cycle. À l’extérieur de mes fonctions traditionnelles de PPR, j’ai eu l’occasion d’enseigner les bases électroniques dans le cadre d’un cours au baccalauréat en enseignement des sciences au secondaire et j’ai été chargée de cours en laboratoire en physique et en génie physique au premier cycle. Ce sont des possibilités méconnues, mais très intéressantes pour les gens qui ont un grand intérêt pour la pédagogie comme moi. Un autre avantage d’inclure les PPR dans l’enseignement universitaire est de tirer profit de leur expertise complémentaire à celle du corps professoral étant donné qu’ils participent de très près aux activités du laboratoire et connaissent les défis techniques qui y sont reliés. Ceci permet donc de diversifier les pôles de compétences au sein de la formation académique. C’est aussi une façon d’amener plus de modèles féminins dans l’enseignement des sciences, car il y a un plus grand nombre de femmes professionnelles de recherche que de professeures.
Il y a une variété de gens avec des parcours différents qui endossent les fonctions de PPR au Canada sans toutefois avoir ce titre de poste précis. Le personnel de recherche est partout dans l’écosystème sans qu’on le réalise. On pourrait aussi intégrer plus amplement les PPR à des comités pour obtenir leur perspective et mieux faire connaitre leur apport derrière les résultats de recherche publiés ou présentés à des congrès et conférences. Il y a toute une équipe qui participe au travail de recherche et les PPR en sont la « colle ».
Cette entrevue a été adaptée à des fins de clarté et de concision.
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