Un nanomatériau bidimensionnel se dilate comme aucun autre avant lui, confondant les spécialistes

Photo d'un scientifique portant un sarrau dans ce qui semble être un laboratoire, interagissant avec un appareil qui semble être une chambre haute-pression faite de pièces en métal très robustes. En arrière-plan on aperçoit des bombonnes de gaz desquels sortent des tubes se connectant à l'appareil haute-pression.
(Crédit photo : Mitch Zimmer/Western Science)

Étirer un ballon pour pouvoir le gonfler plus facilement est une astuce bien connue. Lorsqu’on étire le ballon, sa largeur devient équivalente à celle d’une ficelle. Noah Stocek, étudiant au doctorat, a créé un nouveau nanomatériau qui fonctionne à l’opposé de ce phénomène (en anglais seulement) en collaboration avec le physicien Giovanni Fanchini de la Western University.

Dans le cadre de leurs travaux à Interface Science Western, laboratoire qui héberge un accélérateur Tandetron, MM. Stocek et Fanchini ont mis au point des nanofeuilles bidimensionnelles de semi-carbure de tungstène (composé chimique constitué d’un nombre égal d’atomes de tungstène et d’atomes de carbone, aussi appelé W2C) qui, lorsqu’on les étire, deviennent plus épaisses perpendiculairement à la force d’étirement. Les matériaux qui ont cette propriété sont dits « auxétiques ».

Ce phénomène s’explique par la structure des matériaux — dans le cas présent, de la nanofeuille, qui n’est pas réellement plate. Les atomes de la feuille sont agencés en unités répétées comptant deux atomes de tungstène pour chaque atome de carbone, qui sont disposées à la manière des alvéoles d’une boîte d’œufs. Lorsqu’une force est exercée dans une direction sur la nanofeuille élastique, celle-ci prend de l’expansion perpendiculairement à mesure que les alvéoles s’aplatissent.

Avant cette innovation, un seul autre matériau connu présentait ce comportement inattendu, et il s’étirait de 10 % par unité de longueur. La nanofeuille de semi-carbure de tungstène produite à la Western University peut se dilater de 40 %, ce qui constitue un précédent à l’échelle mondiale.

« Nous avions comme objectif précis de créer un nanomatériau bidimensionnel à partir de semi-carbure de tungstène », explique M. Stocek. « En 2018, des théoriciens avaient prédit qu’un tel matériau pourrait présenter ce comportement de façon très marquée, mais personne n’avait réussi à le mettre au point, malgré les nombreux efforts de groupes de recherche partout dans le monde. »

Comme il n’était pas possible de produire le nouveau nanomatériau à base de semi-carbure de tungstène par des moyens chimiques, MM. Stocek et Fanchini ont eu recours à la physique des plasmas pour former les couches monoatomiques. Composé de particules chargées, le plasma est le quatrième état de la matière (après l’état solide, l’état liquide et l’état gazeux). On peut observer la présence de plasma dans le monde naturel, par exemple dans les aurores boréales ou encore dans la couronne du soleil durant une éclipse solaire comme celle qui s’est produite récemment. Le plasma est utilisé dans l’éclairage au néon, les tubes fluorescents et les téléviseurs à écran plat.

Les appareils utilisés pour fabriquer des nanomatériaux bidimensionnels sont normalement des fours spéciaux dans lesquels on chauffe des gaz à une température suffisamment élevée pour produire les réactions chimiques nécessaires à la formation de la substance souhaitée. Cette approche ne fonctionnait pas dans le cas présent, car toute réaction chimique entraînerait la formation d’un produit différent du nanomatériau souhaité.

« C’est à ce stade que la plupart des équipes de recherche qui avaient tenté de mettre au point ce matériau avant nous se sont heurtées à un mur », indique M. Fanchini. « Nous avons donc dû nous adapter. »

Plutôt que de chauffer un gaz composé d’atomes de tungstène et de carbone dans un four, ce qui aurait produit des particules neutres comme celles présentes dans les solides, les liquides et les gaz, MM. Stocek et Fanchini ont conçu un nouvel appareillage qui produit un plasma, constitué de particules électriquement chargées.

Objectifs futurs

Il existe un grand nombre d’applications possibles pour ces nanofeuilles de W2C, notamment un nouveau type d’extensomètre. Disponibles sur le marché, les extensomètres sont des outils couramment utilisés pour mesurer la dilatation et l’étirement de toutes sortes de matériaux, dans des objets allant des ailes d’avion à la plomberie résidentielle.

« Imaginez que vous souhaitez savoir si un tuyau est en train de se déformer et présente un risque d’éclatement. Vous pourriez poser sur le tuyau un capteur fait de ce nanomatériau bidimensionnel, puis utiliser un ordinateur pour suivre le courant qui y circule. Si le courant va en augmentant, cela veut dire que le tuyau est en train de se dilater et qu’il pourrait éclater, » explique M. Stocek.

En fait, le nouveau nanomatériau offre une conductivité électrique accrue qui ouvre la porte à d’innombrables applications possibles, dans des objets comme des capteurs et d’autres appareils susceptibles de détecter des événements ou des changements dans l’environnement et de transmettre l’information à d’autres dispositifs électroniques. Le matériau pourrait aussi être intégré directement dans des dispositifs électroniques extensibles, comme les technologies portables, dans le but d’en accroître la conductivité.

« Normalement, les extensomètres fonctionnent selon le principe suivant lequel l’étirement d’un matériau entraîne son amincissement, ce qui modifie sa capacité à conduire l’électricité », indique M. Fanchini. « Avec ce nouveau nanomatériau, ce ne serait plus le cas. »

Le présent article a été adapté, traduit et publié avec la permission de la Western University.

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