Une solution de génie pour le traitement durable de l’eau potable en Ontario
Ayant grandi dans une petite localité du Cameroun, Maeva Che, candidate au doctorat en génie civil et minéral à la University of Toronto, connaît intimement la problématique de l’approvisionnement en eau potable.
« Mon expérience vécue des problèmes et difficultés liés à l’accès durable à de l'eau potable m’a amenée à m’intéresser au traitement de l’eau », explique-t-elle.
Son désir de contribuer à améliorer la qualité de l’eau partout sur la planète a guidé ses pas vers le Drinking Water Research Group (DWRG) de la faculté de sciences appliquées et d’ingénierie à la University of Toronto. C’est au sein de ce groupe qu’elle cherche des solutions novatrices aux problèmes locaux en matière de qualité de l’eau, sous la supervision du professeur Ron Hofmann.
Elle travaille notamment à éliminer de l’eau potable en Ontario les composés chimiques qui confèrent un goût et une odeur désagréables à l’eau en stimulant la biodégradation de ces composés lors de leur passage dans les filtres au charbon actif en grains (CAG).
La filtration sur CAG est un procédé de traitement de l’eau qui emploie des granulés de charbon actif. On obtient ces granulés en chauffant des matières organiques riches en carbone comme le bois, le charbon ou la coque de noix de coco en absence d’oxygène (un procédé appelé pyrolyse), puis en déclenchant chimiquement ou physiquement leur conversion en charbon dit actif. Cette activation accroît le potentiel d’adsorption du charbon, ce qui le rend particulièrement utile pour retirer les contaminants de l’eau.
Mais aussi efficace que soit la filtration sur CAG pour le traitement de l’eau, la capacité d’adsorption associée à cette méthode est limitée. En effet, le CAG arrive à saturation au bout de trois ans d’utilisation environ, après quoi les installations de traitement de l’eau doivent remplacer les filtres. Outre les inconvénients qu’il présente, ce remplacement est coûteux.
Dans le cadre du projet « Advanced and Emerging Issues in Drinking Water Treatment », qui bénéficie d’une subvention Alliance sur cinq ans du CRSNG, Mme Che travaille à trouver d’autres moyens de retirer les contaminants au moyen de la filtration sur CAG, plus précisément par leur biodégradation. En effet, un filtre au CAG qui est en usage depuis un certain temps se verra colonisé par des microorganismes, et ceux-ci pourraient être mis à contribution pour éliminer les contaminants.
« En gros, la biodégradation se produit quand les bactéries utiles sur le filtre au CAG se nourrissent des contaminants et donc nettoient l’eau par le fait même », explique Mme Che.
« S’il y a assez de bonnes bactéries sur le CAG pour dégrader biologiquement les composés en question, alors on n’a pas nécessairement besoin de remplacer le filtre quand il arrive au bout de sa capacité d’adsorption. On pourrait ainsi accroître la durée de vie des filtres, ce qui se traduirait en économies pour les usines de traitement. » Autrement dit, la biodégradation aurait le potentiel de bonifier la performance des filtres au CAG.
Mme Che et le DWRG comptent travailler avec les responsables des installations de traitement de l’eau afin d’établir des façons d’optimiser la biodégradation des composés affectant le goût et l’odeur de l’eau qui se retrouvent dans les filtres au CAG.
Dans sa phase initiale actuelle, le projet se déroule aux environs de la station de traitement de l’eau du Peterborough Utilities Group, où Mme Che mène une étude pilote des méthodes de filtration avec l’appui de la commission des services publics de Peterborough. Le plan est d’ensuite étendre la recherche à d’autres stations partenaires — par exemple l’usine d’approvisionnement en eau d’Ajax et l’usine de traitement des eaux de surface de Barrie.
Une fois la collaboration établie avec diverses installations de traitement de l’eau de l’Ontario, Mme Che évaluera également l’efficacité des filtres au CAG pour ce qui est de retirer des composés qui affectent l’odeur et le goût de l’eau, mais ne sont pas traditionnellement surveillés.
Pour ce faire, elle prélèvera des échantillons de CAG et d’eau dans les différentes installations de traitement et effectuera des tests de filtration en laboratoire selon un procédé mis au point par le DWRG. Ces « tests par minicolonne » permettent de faire la différence entre l’adsorption et la biodégradation dans les filtres au CAG.
« Dans bien de ces installations, les responsables n’ont aucune idée de la performance de leurs filtres à traiter les composés autres que les deux plus courants, malgré qu’ils contribuent aux problèmes de goût et d’odeur de l’eau. Notre projet est donc crucial pour approfondir notre compréhension de la question », affirme Mme Che.
Celle-ci confirme que son expérience au DWRG comme étudiante à la maîtrise a été un facteur important dans sa décision de poursuivre des études de doctorat à la University of Toronto.
« Durant mon travail de maîtrise auprès du DWRG, j’ai pu contribuer à des projets qui rehaussent la qualité de l’eau potable et j’ai acquis une expérience pratique en installation de traitement. Voir se concrétiser les résultats de ma recherche m’a convaincue de faire mon doctorat ici. »
L’espoir ultime de Mme Che est que ses travaux génèrent de véritables retombées dans son domaine. Et le DWRG, avec tout l’encadrement de ses collègues et la supervision qu’il lui procure, lui donne justement la possibilité de le faire.
« Mon but est de poursuivre mes travaux et d’en arriver à des solutions durables pour le traitement de l’eau potable qui profiteront aux populations dans le besoin », conclut la chercheuse.
Le présent article a été adapté, traduit et publié avec la permission de la University of Toronto (en anglais seulement).
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