Mars tire son chapeau à l’Arctique
Voici des glaciers entourés de formations rocheuses en fausses couleurs, sur l’île Axel Heiberg au Nunavut. Notez les zones jaunes-orangées, ce sont des « chapeaux de fer ». Ces dépôts de surface, riches en fer oxydé, témoignent d’un milieu acide, propice à l’établissement de certaines formes de vie. On y rencontre aussi un minéral dont la structure cristalline peut conserver des traces de vie : la jarosite, un biomarqueur retrouvé sur la planète Mars! À partir d’analyses au sol, la chercheuse explore une méthode pour repérer ces chapeaux sur des images satellite de l’Arctique canadien; un savoir qui sera appliqué aux images satellite de la planète rouge.
Cette charge qui ne dit mot
« Mon travail commence, il n’arrête jamais. » Ce sont les mots de cette enseignante travaillant à ses corrections un samedi matin alors que ses enfants jouent autour d’elle, fragmentant son attention. Cette image s’inscrit dans une thèse s’intéressant au rapport au travail des enseignantes du préscolaire et du primaire. On observe ici la normalisation du déversement d’une part importante des tâches dans les autres sphères de vie, bien avant l’arrivée du télétravail amené par la pandémie. Ce travail invisibilisé se camoufle parmi les obligations du quotidien, rendant perméable la frontière entre la vie personnelle et professionnelle.
Rosette d’Arabette
Ce montage végétal miscroscopique met en vedette l’Arabette des dames, qui pousse naturellement sous cette forme de rosette. Arabidopsis Thaliana est une candidate idéale pour la recherche en biologie végétale, car son cycle de vie est très rapide, soit six semaines. Ici, on ne voit que des cotylédons, les premières feuilles à émerger – sauf pour une anthère, là où se forment les grains de pollen (en haut, à gauche). Chacune des feuilles est issue d’une recherche particulière s’intéressant entre autres à sa physiologie, sa génétique, sa résistance aux maladies et aux intempéries, sa reproduction ou sa production de semences.
Versant vert dans les tourbières
Cette tourbière nichée dans le parc national du Mont-Tremblant fait l’objet d’un inventaire floristique afin d’évaluer les impacts des changements climatiques. Pour ce faire, des botanistes identifient toutes les espèces végétales d’une parcelle de 400 m2 (délimitée par le triangle formé par les trois carrés), une tâche fastidieuse nécessitant environ trois heures de travail. Cependant, en partant d’images captées par un drone, et grâce à l’analyse par l’intelligence artificielle, 20 minutes suffiraient. L’identification serait donc automatisée après l’entraînement du modèle à reconnaître toutes les plantes. Le ou la botaniste encadrerait alors son collègue « machine » en validant ses résultats.
Et la lumière fut pour l’escargot
Vieux d’à peine trois jours, ces minuscules embryons d’escargots d’eau douce voient le monde pour la première fois. Dépourvus de véritables yeux, c’est par leurs taches (les petits points noirs) et pédoncules oculaires que les escargots perçoivent la lumière, la pression et les signaux chimiques, ce qui leur permet de s’orienter dans leur environnement. Les escargots d’eau douce jouent un rôle important dans les écosystèmes aquatiques, car ils recyclent les nutriments. Ils servent aussi de sentinelles, un peu comme des canaris dans une mine de charbon : ils nous aident à comprendre les effets des produits chimiques qui se retrouvent dans nos cours d’eau et à déterminer la façon la plus efficace de les règlementer. En utilisant la macrophotographie accélérée, nous étudions les effets que peut avoir la pollution sur plusieurs générations, et ce, bien au-delà de la période d’exposition.
Un vitrail de gouttelettes multicolores
Bien avant l’avènement de la photographie, les poètes dépeignaient le comportement fascinant des gouttelettes. Du Fu, poète ancien, écrivait : « Une rosée épaisse perle et ruissèle. Les étoiles surgissent, éparses, puis disparaissent », et Jules Renard faisait une observation semblable : « Quelques gouttes de rosée sur une toile d’araignée, et voilà une rivière de diamants ». Inspirés par l’observation de grosses gouttelettes retenues aux extrémités fourchues des feuilles de cyprès, nous avons constaté que deux fibres croisées pouvaient retenir beaucoup plus d’eau à leur point d’intersection qu’une simple fibre placée à l’horizontale. Sur cette image, la gouttelette verte suspendue à la fibre horizontale est celle qui contient le moins d’eau, soit 10 microlitres (μL). À mesure que l’angle entre les fibres qui se croisent diminue, le volume des gouttelettes qui s’y forment augmente : à un angle de 89°, le volume de la gouttelette est de 27 µL (gouttelette bleue), alors qu’à un angle de 36°, il est de 65 µL (gouttelette rouge). Toutefois, si l’angle entre deux fibres est réduit davantage jusqu’à atteindre 13°, le volume d’eau contenu dans la gouttelette diminue (gouttelette jaune), passant à 37 µL.
Un tableau inquiétant
L’activité humaine augmente l’intensité et la fréquence des proliférations d’algues bleu-vert, qui représentent une menace pour la biodiversité aquatique et l’approvisionnement en eau potable de millions de personnes. Compte tenu de la nature transitoire de ces proliférations et de la rapidité avec laquelle elles apparaissent dans nos lacs en fin d’été, il est difficile d’en assurer la surveillance à pied levé, particulièrement dans les petits plans d’eau. Prise par un drone à 100 m du sol, cette photo montre des membres de mon équipe en train de prélever des échantillons d’eau au milieu d’une prolifération d’algues au lac Dog, un plan d’eau du fameux réseau du canal Rideau. Captées à vol d’oiseau, ces magnifiques torsades qui rappellent des coups de pinceau cachent une réalité inquiétante : une « soupe aux pois » nauséabonde et nocive qui finira par asphyxier les poissons et les autres organismes aquatiques lorsqu’elle se décomposera en automne. En combinant la surveillance par drones et l’analyse de l’ADN environnemental, nous pouvons rapidement évaluer l’ampleur, le mouvement et la composition d’une petite prolifération à une fraction du prix que représente le recours à l’imagerie satellitaire ou la réalisation d’une évaluation de la toxicité.
Liés par nos racines
Bien protégée des moustiques et des éclaboussures de boue, cette chercheuse utilise un jet d’eau à haute pression pour dénuder les racines de peupliers, sur un site en Abitibi. Elle révèle ainsi les nombreuses connexions racinaires qui unissent les arbres entre eux. Ces greffes naturelles, ou anastomoses, permettent un partage de ressources : eau, nutriments et hormones. Cela se produit même dans une plantation où les arbres sont relativement espacés. Ces résultats démontrent qu’une plantation mature se comporte comme un seul organisme vivant et, de ce fait, peut être aménagée pour tirer parti de telles alliances.
Parterre de l’expérience
Marika Crête-Reizes
Thibault Carron
Sur les planches du théâtre Alphonse-Desjardins, deux chercheuses encadrent des enseignants et des artistes dans l’exploration de pratiques inédites de transmission de la culture. Lors de cette formation de plusieurs jours en éducation esthétique, les participants sont invités à tester de nouvelles méthodes d’animation pédagogique. Sur l’image, deux artistes-médiateurs sont en processus de création à partir d’une œuvre visuelle. Cette expérience leur servira entre autres d’appui pour réfléchir à leurs pratiques professionnelles et mettre en place des activités pédagogiques en classe.
Lignes et lignine : opération 30 000 volts
Non, ce n’est pas un réseau neuronal ni un plasma galactique, mais bien un entrelacement de fibres nanométriques. On obtient celles-ci à partir de la lignine, une des principales familles moléculaires composant le bois. L’électrofilage permet de produire ces filaments grâce à un champ électrique de 30 000 volts, soit près de 300 fois la tension d’une prise électrique! L’un des défis techniques? Réussir à créer des filaments sans ces petites billes visibles sur l’image. Ces nanocâbles deviendront à terme des fibres de carbone biosourcées, produites à moindre coût et à faible empreinte environnementale.
Univers immunitaire
Notre corps se défend des pathogènes en formant des centres germinatifs. Ces petites usines temporaires, composées de globules blancs (lymphocytes B et T), produisent des anticorps pour contrer la menace. Ici, le centre germinatif (rose et vert) s’est formé dans la rate d’une souris, à la suite de l’administration d’un corps étranger. Les lymphocytes B sont en violet et les T, en jaune. Avec ce type d’image, on compare la qualité de la réponse immunitaire des individus en fonction de leur génétique, dans le but d’élucider pourquoi certains d’entre nous sont moins protégés que d’autres.
Monarque sur sa couronne d’asclépiade
Dans cet œuf déposé sur un bouton de fleur d’asclépiade débute une vie : celle du papillon monarque. L’été venu, des milliers d’entomologistes et de citoyens inspecteront cette variété de plantes pour repérer Danaus plexippus, de l'œuf à l'adulte, et pour documenter l’état des populations de cet insecte menacé. On reconnaît son œuf à sa forme presque conique, sa teinte jaunâtre et ses stries. Généralement, la ponte se fait sous une feuille, mettant l’œuf à l’abri; la chenille à venir restera tranquillement sur place pour se nourrir. Celle de notre petit œuf devra ramper jusqu’à une feuille.
Résilience d’une civilisation lacustre
Comment adapter une ville à la montée des eaux? Pour répondre à la question, cette étude s’intéresse au phénomène de la ville de Ganvié au Bénin. La cité a vu le jour sur le lac Nokoué, il y a trois siècles, construite par les Toffinous ou « hommes de l’eau ». Tous les bâtiments, sur pilotis, sont entourés de canaux sillonnés par des pirogues. Les habitants, connus pour leur résilience, doivent désormais s’adapter aux défis de notre époque, soit l'amenuisement des ressources naturelles, l'accroissement démographique et la montée des eaux liée aux changements climatiques.
Mouflon, bourgeon et collation
Ce jeune mouflon d'Amérique profite d'une grignotine épineuse tout en affichant fièrement ses nouvelles boucles d'oreilles. On le reconnaîtra désormais à distance grâce à cette combinaison de couleurs. La population de mouflons de Ram Mountain, en Alberta, est ainsi suivie par capture-marquage-recapture depuis 1972, un effort pris en charge par une équipe de l’Université de Sherbrooke depuis 1991. Au fil de 50 ans de recherche sur le site, on a démêlé plusieurs aspects de la survie et de la reproduction des grands mammifères, évalué les effets à long terme des conditions environnementales à la naissance, exploré les conséquences des changements climatiques, et bien plus encore.
Grand ménage neuronal
Le développement du cerveau est un phénomène fascinant, complexe… et difficile à observer. On peut toutefois l’étudier en temps réel chez les larves transparentes du poisson-zèbre. Après avoir déposé l’une d’elle, bien vivante, sous l’objectif d’un microscope, on examine son petit cerveau en action. Ici, les cellules microgliales (en vert) engloutissent des neurones (en rouge), faisant apparaître des boules orangées, soit les cellules « dévorées ». Cette phagocytose élimine les neurones mal connectés – une sélection qui contribue à l’établissement de réseaux neuronaux efficaces. Il reste maintenant à élucider les mécanismes moléculaires pour découvrir comment ces réseaux sont sculptés.
Les origines célestes du grésil
Janvier 2020. Un épisode de grésil frappe Montréal. Des cristaux de glace microscopiques, en forme de colonnes hexagonales, accompagnent les précipitations. Sous le point de congélation, une goutte de pluie gèlera rapidement si elle entre en collision avec l’un de ces cristaux, pour ensuite former une bille de glace transparente appelée grésil. L’analyse des photographies du 11-12 janvier, conjuguée aux données recueillies par un pluviomètre optique, révèle que la concentration de cristaux était assez élevée pour causer le gel de toute la précipitation pluvieuse à une altitude d'environ 500 m. Grâce à ces minuscules colonnes hexagonales, larges comme un cheveu, Montréal a probablement échappé à un épisode dommageable de pluie verglaçante.
Médusant de performance
Cette image dévoile un ovipositeur, l’organe de ponte d’une minuscule guêpe parasitoïde nommée Trichomalus perfectus. La femelle se sert de cette pointe rectiligne et rigide, disposée au bout de son abdomen, pour déposer ses œufs sur les larves de charançons de la silique. Pour ce faire, elle transperce les gousses de canola pour atteindre les larves qui s’y développent, se croyant bien à l’abri... Ce charançon étant un important ravageur du canola, on songe à en contrôler les populations en relâchant T. perfectus dans les Prairies canadiennes. Voilà un bel exemple de lutte biologique!
À la lueur des cimes
Vous vous baladez ici en forêt numérique. Vous apercevez le sommet d’un peuplement de feuillus qu’un chercheur a capté, à partir du sol, au moyen d’un lidar mobile portatif. Cet appareil utilise les ondes lumineuses émises par un laser pour reconstituer chaque tronc et chaque branche par l’assemblage de millions de points. En quelques minutes, on recueille des données précieuses pour la gestion des forêts : le diamètre, la hauteur et le volume des arbres. À l’ère de la révolution numérique, les données issues de ce type de capteur pourraient bien intégrer la nouvelle génération d’inventaires forestiers.
Caviar illuminé
André Ferron
Roch Rochon
Olivia Baudet
Sous une lumière diffuse, des milliers d’œufs du grand corégone du lac Huron se développent paisiblement. Tout en haut, l’un d’eux est devenu alevin, et il passera bientôt de l’incubateur à l’auge. Puis devenu juvénile, il séjournera dans un bassin, pour enfin, à l’âge adulte, être transféré dans de grandes cages disposées dans son milieu naturel. L’équipe de recherche élève ici en captivité une des espèces les plus capturées par la pêche commerciale dans les Grands Lacs, en plus d’être menacées par les espèces exotiques envahissantes. On examine la faisabilité commerciale du projet afin de permettre aux Coregonus clupeaformis sauvages de se rétablir.
Atrophie sélective
Voici la coupe transversale d’une biopsie musculaire prélevée chez une personne ayant une maladie génétique rare, la dystrophie myotonique de type 1. On remarque que les fibres musculaires de type 1 (en jaune) sont plus petites que les fibres environnantes. Ce phénomène, nommé atrophie sélective, est typique de la maladie et peut réduire la force musculaire. Dans ce projet, sur une période de trois ans, on compare les changements des capacités physiques avec ceux visibles sur les biopsies. Une meilleure compréhension de la progression de cette maladie fournira d’importants outils pour développer des stratégies thérapeutiques.