Déchiffrer les secrets de la fondation de Montréal

Photo de 2 personnes accroupies au sol, sur un plancher de verre sous lequel on aperçoit des fondations d'un site archéologique. L'un des panneaux de verre a été retiré pour créer une ouverture et un escabeau y a été installé pour y descendre. Les personnes pointent du doigt vers le bas pour y montrer quelque chose. Ces personnes sont l’étudiante à la maîtrise Marjorie Collette et l’archéologue Hendrik Van Gijseghem.
(Crédit photo : Michel Julien pour Pointe-à-Callière)

L’Université du Québec à Montréal (UQAM) et le musée Pointe-à-Callière mettent au point une nouvelle approche scientifique pour mieux connaître les activités humaines menées par le passé. Dans le cadre d'un projet de recherche commun faisant appel à cette approche, les deux établissements ont réussi à déchiffrer les secrets enfouis dans le sol du site archéologique de la fondation de Montréal : le fort de Ville-Marie, construit en 1642.

Le projet était dirigé par Cassandre Lazar, professeure au Département des sciences biologiques, et Marjorie Collette, étudiante à la maîtrise en biologie, de l’UQAM en collaboration avec Hendrik Van Gijseghem, archéologue au musée Pointe-à-Callière. L’approche utilisée allie des techniques de microbiologie et de paléomicrobiologie pour permettre l’identification des populations microbiennes anciennes dans le sol. Une fois ces populations identifiées, il est alors possible de faire des déductions sur les activités humaines qui se sont déroulées à cet endroit. Cette recherche, qui est soutenue par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, pourrait changer la façon dont on étudie les sols des sites archéologiques et améliorer la connaissance des activités humaines menées par le passé.

La nouvelle approche mise au point par l’équipe de recherche est basée sur la détection de l’ADN fossile des populations microbiennes anciennes. En effet, les bactéries étant en contact étroit avec leur environnement, elles sont directement associées aux activités humaines qui se déroulent autour d’elles. Une fois l’analyse complétée, les résultats sont mis en relation avec les artefacts et écofacts trouvés sur le site afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses des archéologues. C’est la toute première fois que cette méthode est appliquée à des sols dans un site archéologique.

« Malgré des défis techniques et financiers d’envergure, nous avons obtenu des informations inédites à partir des traces de communautés microbiennes anciennes, ce qui permet d’envisager une réinterprétation de l’histoire de la fondation de Montréal. »

- Cassandre Lazar, professeure au Département des sciences biologiques de l’UQAM

Le partenariat atypique qui a uni l’UQAM et le musée Pointe-à-Callière a permis la rencontre de savoirs distincts et produit des résultats inédits. Ceux-ci laissent entrevoir de nombreuses applications, non seulement au fort de Ville-Marie, mais éventuellement dans tous les sites archéologiques.

« Quand l’équipe d’archéologues de Pointe-à-Callière a communiqué avec moi, en 2019, j’ai perçu une occasion exceptionnelle de faire progresser le domaine de la paléo-microbiologie en étendant l’application de nos connaissances à l’archéologie », explique la professeure Lazar. « Malgré des défis techniques et financiers d’envergure, nous avons obtenu des informations inédites à partir des traces de communautés microbiennes anciennes, ce qui permet d’envisager une réinterprétation de l’histoire de la fondation de Montréal. J’ai bon espoir que la méthodologie élaborée dans le cadre de ce projet servira à de nombreuses autres études archéologiques. »

Les premiers résultats de la recherche appuient certaines des hypothèses des archéologues du musée Pointe-à-Callière au sujet des activités qui étaient menées au fort de Ville-Marie. L’équipe de recherche a notamment identifié des communautés bactériennes associées aux activités suivantes :

  • la culture du tabac, ce qui renforce l’hypothèse d’une consommation importante de tabac au fort (confirmée également par les fragments de pipes trouvés sur place);
  • le dépeçage d’animaux, ce qui confirme que des animaux étaient effectivement dépecés sur ce site, soit après la construction du fort, soit même avant (par des groupes des Premières Nations);
  • le travail des métaux, ce qui permet d’étayer d’autres recherches archéologiques sur la présence possible d’une forge et d’un atelier de métallurgie sur le site.

L’étude suscite aussi de nouvelles réflexions sur la présence de potagers à l’intérieur de l’enceinte du fort et sur la culture de plantes médicinales. Des recherches approfondies promettent de révéler de nouvelles informations sur les pratiques culturelles et économiques des occupants du fort, mais également sur des périodes bien antérieures à la construction du fort, comme celle de la mer de Champlain, il y a plus de 13 000 ans.

« Le simple fait qu’on puisse discriminer l’ADN d’organismes fossiles de l’ADN d’organismes vivants dans des sites archéologiques, dans des couches de sol pouvant être datées, ouvre une toute nouvelle fenêtre sur la connaissance des écosystèmes anciens et des activités humaines menées par le passé », souligne M. Van Gijseghem. « L’étude des communautés bactériennes peut jeter une lumière nouvelle sur des éléments du passé à propos desquels les données archéologiques ne donnent pas d’indications ou, au mieux, des indications équivoques. Il s’agit là d’une toute nouvelle méthode d’interprétation des contextes archéologiques et je ne serais pas surpris que ce type d’analyse devienne pratique courante en archéologie, peut-être même à l’échelle mondiale. »

Cet article a été adapté et publié avec l’autorisation de l’UQAM.

Récit suivant

Un nanomatériau bidimensionnel se dilate comme aucun autre avant lui, confondant les spécialistes

Étirer un ballon pour pouvoir le gonfler plus facilement est une astuce bien connue. Lorsqu’on étire le ballon, sa largeur devient équivalente à celle d’une ficelle.

Bulletin Contact

Recevez par courriel des mises à jour sur les activités du CRSNG. Consultez tous les numéros.

  • Twitter
  • Facebook
  • LinkedIn
  • Youtube
  • Instagram