La valse des floes
Nous survolons le fjord du Saguenay lors de la débâcle, alors que des milliers de morceaux de glace de mer, appelés floes, dérivent en épousant l’écoulement de surface des masses d’eaux. Suivre leur déplacement, image par image, permet de détailler ces courants, invisibles autrement. Cette photo, qui condense plusieurs dizaines d’images successives en une seule, témoigne, au moyen de grands filaments blancs, de cette danse tourbillonnante des floes, rythmée par les marées. Si de pareils tourbillons, présents dans les océans comme dans le fjord du Saguenay, frappent l’imaginaire, leur rôle au sein des écosystèmes marins relève encore du mystère.
Hyperaccéléré de 8 min combinant 250 photos stabilisées
Photographies numériques prises par drone Mavic 2 Pro
Tenir à un fil
Un instant auparavant, ces deux cylindres noirs, qui forment les mâchoires d’un minuscule étau, étaient presque refermés l’un contre l’autre, emprisonnant une goutte de polymère en phase liquide. Puis, en une fraction de seconde, ces mâchoires se sont écartées, avec une précision millimétrique, étirant ainsi la goutte pour former un pont capillaire éphémère. La durée de vie et la forme distinctive adoptée par le filament du polymère dépendent de sa tension de surface et de sa viscosité. Le dispositif employé ici, appelé CaBER (Capillary Breakup Extensional Rheometer), développé par l’École de technologie supérieure, sert justement à caractériser cette viscosité qui ne tient qu’à un fil.
Macrophotographie haute vitesse
Temps d’exposition : 5 ms
Fenêtre sur le Saint-Laurent en mutation
Nous sommes en janvier, dans le golfe du Saint-Laurent. Une colonie de phoques gris est rassemblée sur une île du détroit de Northumberland pour donner naissance à ses petits. Du haut de leur hélicoptère, les scientifiques observent la scène, conscients d’être aux premières loges des changements climatiques. Avant les années 2000, les chiots naissaient principalement sur la banquise et non sur la terre ferme. Ces mammifères marins ont modifié leurs comportements à la suite de la diminution de la couverture de glace. L’équipe de recherche s’intéresse ici aux effets de ces changements sur l’espèce ainsi qu’au rôle de ces pinnipèdes dans l’écosystème.
Photographie numérique
Murs et murmures
Dans la lumière du soir, le rouge flamboyant d’un bâtiment contraste avec la blancheur immaculée de la neige. Nous sommes à Quaqtaq, au Nunavik. La chercheuse en génie mécanique s’y est rendue avec des collègues pour cumuler des données en vue de la conception de bâtiments écologiques. Elle a d’abord analysé les données issues de capteurs installés dans 10 logements. Cependant, pour bien interpréter l’information, il fallait aussi « capter » les modes de vie. La chercheuse a donc séjourné dans la communauté pour réaliser des entrevues portant sur les interactions des personnes avec le bâtiment et sur le confort recherché.
Photographie numérique
Combattre les flammes de l’inflammation
Le Canada présente l’une des plus fortes incidences au monde de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin — des affections caractérisées par l’inflammation du tube digestif, qui entraine une augmentation du stress oxydatif. Dans le cadre de mes travaux, je cherche à localiser où dans le tube digestif se manifeste le stress oxydatif. L’image présente le colon d’une souris, traité avec un colorant sensible à l’oxydation qui permet de visualiser la manifestation du stress oxydatif. Les radicaux lipidiques dans le tissu — produits de la réaction du corps au stress — oxydent le colorant, changeant ainsi la fluorescence. Dans cette image, les zones en jaune sont les endroits où le colorant n’a pas été oxydé, contrairement aux zones rouges où l’on constate l’effet du stress oxydatif. Les points bleus sont les noyaux des cellules. En permettant de mieux comprendre où se manifeste le stress oxydatif dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, nos travaux pourraient mener à la mise au point de nouveaux traitements pour combattre l’inflammation intestinale.
L’éponge marine, source d’inspiration
Nous nous sommes donné comme mission de révolutionner la filtration de l’eau grâce à une technologie super efficace et ainsi faciliter l’accès à l’eau propre. Notre objectif? Concevoir une membrane hautement efficace qui laisse passer uniquement les molécules d’eau. L’image donne un aperçu de notre innovation : une membrane structurée complexe avec de multiples couches, qui ressemble à une éponge de mer. Ce qui la rend unique, c’est que la couche de fond en polymère comporte de nombreux trous minuscules, tandis que la couche supérieure est une couche mince et solide, finement calibrée, composée de nanomatériaux. On les assemble et voilà : on obtient une membrane de haute qualité qui utilise moins d’énergie pour séparer les molécules d’eau des autres types de molécules, ce qui rend le processus de filtration plus efficace. Grâce à nos travaux, nous transformons la façon de concevoir les systèmes de filtration pour les rendre plus verts et écoénergétiques.
La recherche : des essais, des erreurs... et des bulles
En recherche, les erreurs sont à la fois fréquentes et extrêmement utiles. Nos travaux sur le béton translucide ne font pas exception. L’image que voici présente une de ces erreurs, mais elle capte aussi l’étonnante beauté de bulles nées d’un processus imparfait. Le but de nos travaux, qui consistent à créer un béton translucide en combinant du polydiméthylsiloxane et du béton, est de repousser les limites actuelles de l’éclairage architectural. Même si l’effet était inattendu, ces bulles ne sont pas que de simples anomalies : elles permettent aussi d’explorer une dimension esthétique, au carrefour de l’erreur et de l’art. Elles nous rappellent que la recherche est un parcours sinueux, où l’on peut tirer des leçons précieuses des difficultés que l’on rencontre. Plutôt que de viser des résultats parfaits, nous avons pour mission, en recherche, d’accueillir l’inattendu, qui est porteur d’innovation. Les « erreurs » sont des sources d’inspiration qui nous mènent vers des pistes inexplorées.
Cosmos cellulaire
Adrienne Benediktsson
Ava Zare
Durant le développement et la maturation des fibres musculaires, d’importants changements structuraux s’opèrent : les petites cellules à noyau unique (myoblastes) se fusionnent et forment des cellules allongées à plusieurs noyaux (myotubes). Sur cette image de cellules musculaires (C2C12) de souris, on peut observer à la fois des myoblastes et des myotubes au quatrième jour du développement. À droite, on voit un myoblaste — la plus grosse cellule — et, dans le coin inférieur gauche, un myotube qui commence à se former. Nous étudions ici les changements cellulaires durant le développement de fibres musculaires. Nous avons utilisé la coloration pour nous aider à identifier divers éléments : le noyau des cellules est bleu; les ATPases calciques du réticulum sarcoplasmique (SERCA1) sont cyan et les réseaux mitochondriaux (responsables de la production d’énergie) sont magenta. Vues ainsi, ces cellules rappellent les vastes amas galactiques qu’on trouve dans l’espace. En étudiant les cellules C2C12, nous espérons mieux comprendre le développement des muscles dans d’autres organismes, dont l’être humain.
Nerf à vif
Lorsqu’un nerf du bras ou de la jambe est sectionné, son extrémité « explose » et forme un gros amas qui ressemble à un nuage. C’est ce que l’on voit sur la partie supérieure de cette image d’un nerf sciatique de souris. Sur la partie inférieure, parsemées de petites boules graisseuses, les fibres de collagène gainant le nerf restent bien ordonnées. En étudiant le comportement des nerfs fractionnés d’un membre, on pourrait élaborer des biomatériaux qui imitent leurs propriétés mécaniques, afin de mieux les soigner.
Taille du « nuage » : 800 µm
Diamètre du nerf : 100 µm
Microscopie électronique à balayage
Photo par Kotomale Morel, Jean Pierre Kapongo, Alphonsine Muzinga Bin Lubusu, Romuald Simo Nana, Donald Rostand Fopie Tokam et Grace Suzert Nottin Mboussou
Guerre de tranchées biologique
L’ennemi est minuscule, mais capable de ravages que redoute tout producteur de fraises. Son nom : le tarsonème du cyclamen (Phytonemus pallidus). En raison de sa taille lilliputienne, il se tapit dans les jeunes feuilles encore pliées, ce qui le protège assez bien des épandages de pesticides, notamment chimiques. L’équipe de recherche teste une nouvelle stratégie de lutte biologique. Des escadrons de bourdons atterrissent sur les fleurs de fraisiers pour les butiner, et ils relarguent les spores d’un champignon dont leur corps et leurs pattes sont astucieusement recouverts : le Beauveria bassiana, un ennemi mortel de ces acariens! Bientôt, des nouvelles du front...
Image prise à Nipissing Ouest au nord de l'Ontario
Photographie numérique
Dépeindre l’immunité
L’amygdale permet aux cellules immunitaires d’orchestrer une réponse coordonnée aux infections. Sur cette coupe de tissu lymphatique prélevé chez l’humain, on peut voir des centres germinaux qui apparaissent sous la forme de disques pailletés dorés et bleus. C’est au sein de ces disques que les lymphocytes B prolifèrent et se différencient lorsque l’organisme subit une infection. En comprenant mieux l'architecture et les réseaux du système immunitaire, on pourrait mettre au point des stratégies plus efficaces pour combattre le cancer.
Grossissement : 10x
Immunofluorescence cyclique (CycIF)
Colorisation
Des papillons dans le ventre
Ces petits bijoux sont en réalité des écailles d’ailes de papillons. La chercheuse les a trouvés dans l’estomac d’un omble de fontaine pêché dans le fjord du Saguenay. Ce poisson est dit « anadrome », car il passe une partie de sa vie en eau salée et se reproduit en eau douce. Gourmand, Salvelinus fontinalis se nourrit de manière opportuniste : petits poissons, crustacés, vers marins et insectes. Cependant, sa population locale a fortement diminué depuis une dizaine d’années, au grand dam des pêcheurs. Une équipe de recherche s’intéresse à son alimentation dans l’espoir de mieux comprendre son déclin.
Grossissement : 50x
Stéréomicroscopie
Wildemaniaques de sushi
L’algue qui enveloppe les sushis, et qui nous vient du Japon, est le nori. Dans le golfe du Saint-Laurent, il existe plusieurs espèces appartenant à cette famille d’algues rouges. Parmi elles, Wildemania amplissima semble être une bonne candidate pour la culture. Mais d’abord, il faut maîtriser son cycle de vie qui passe par plusieurs stades microscopiques, chacun avec ses exigences de température et de lumière. Ici, parvenues au stade du conchosporange, ces branches rougeâtres laissent deviner des semences au relief arrondi. Ce sont des spores qui, une fois disséminées dans le milieu, germeront pour former des plantules de nori.
Grossissement : 400x
Microscopie inversée
Épluchette de riz
Telle la coque d’une noix, la balle de riz protège le grain contre les agressions extérieures : insectes, bactéries et champignons. Non comestible, cette enveloppe est décortiquée par l’industrie agroalimentaire pour en extraire le grain de riz avant d’être éliminée. Constituée de lignine, de cellulose et d’hémicellulose, l’enveloppe est elle-même recouverte d’une fine couche de silice. Celle-ci forme une mosaïque de petits monticules que l’on peut voir ici. L’extraction de ces composés pourrait contribuer à revaloriser ce résidu agricole pour en faire du biocarburant ou des biopolymères.
Taille de la balle : 1,5 mm
Grossissement : 200x
Microscopie électronique à balayage
Les gardiennes de la santé mentale
La dépression est plus fréquente chez les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires. Le stress chronique, connu pour justement favoriser ce trouble, pourrait altérer les vaisseaux sanguins du cerveau et perturber l’équilibre neuronal. Sur cette image d’un cerveau de souris, on observe un vaisseau sanguin (rouge) entouré de cellules microgliales (jaune) et d'astrocytes (violet), véritables sentinelles qui protègent le cerveau. C’est à cette barrière de protection affaiblie par le stress que s’intéresse l’équipe de recherche.
Diamètre du vaisseau : 30 µm
Colorisation avec des anticorps fluorescents
Microscopie à épifluorescence
Bar à salades dans une goutte d’eau
Bienvenue au buffet de phytoplancton! Au menu : une généreuse portion de diatomées, reconnaissables à leur couleur verte et leur forme circulaire. Invités au festin, on compte les copépodes, un zooplancton qui ressemble à de minuscules crevettes. Cette salade de micro-algues est composée uniquement de produits locaux. Elle provient d’un échantillon d’eau récupéré dans le fleuve Saint-Laurent entre Rimouski et Saint-Barnabé. La verdure a été récoltée, par ailleurs, dans le cadre d’un projet pilote visant à décarboner la recherche scientifique. De fait, l’échantillonnage a été réalisé à bord d’un voilier, sans alimentation électrique et à l’aide de matériaux réutilisables.
Grossissement : 40x
Microscopie optique
Atchoum!
Plus fins qu’un cheveu, ces minuscules grains de pollen sont responsables d’un grand nombre d’allergies printanières. Chaque grain a ses particularités qui se révèlent sous le microscope : taille, forme, fluorescence... On voit ici, entre autres, des pollens d'érable, d'aulne, de pin et de bouleau. Pour connaître la répartition de ces allergènes au sein d’une ville, il faut avoir recours à plusieurs capteurs de pollen. Les scientifiques évaluent leur concentration sur 25 sites répartis sur toute l’île de Montréal afin de contribuer à l’aménagement des forêts urbaines et d’éviter ainsi les éternuements printaniers.
~50 µm de diamètre
Grossissement : 400x
Colorisation : solution de Calberla contenant de la fuchsine basique
Microscopie confocale
Photo par Antoine Durocher et Jeffrey M. Bergthorson, McGill University Luming Fan, Sheida Sarafan, Javad Gholipour, Priti Wanjara et Patrizio Vena
Sous les feux de la rampe
L’hydrogène, utilisé comme carburant, n’émet pas de gaz carbonique, mais principalement de la vapeur d’eau. Cette propriété attire l’intérêt des industries aérospatiales et énergétiques, pressées d’atteindre la carboneutralité. Cependant, l’hydrogène est très réactif. La configuration actuelle des moteurs, qui brûlent des hydrocarbures, ne convient pas à son utilisation. Pour contribuer à l’adaptation requise, l’équipe de recherche caractérise le comportement de ce type de combustion. Ici, on a ajouté de fines particules d’oxyde de zinc afin de mieux voir l’écoulement des flammes presque invisibles que génère l’hydrogène. Ensuite, il suffira de concevoir les prochaines turbines à gaz carboneutres...
Photographie numérique
Recherche réalisée au sein du projet international HESTIA sur la combustion de l’hydrogène pour l’aviation
Mystère sous le couvert
Quand des arbres se voisinent, il arrive que leurs racines fusionnent. Ce « greffage racinaire » demeure cependant mal compris, et il représente tout un défi à étudier. Pour l’observer, il faut d’abord couper des troncs d’arbres, creuser la surface du sol et exposer les racines à l’aide d’un jet d’eau sous haute pression. L’équipe de recherche évalue si cette union racinaire pourrait aider les arbres à résister aux vents violents en favorisant leur ancrage au sol. Mieux saisir ce qui se trame sous terre aura probablement des impacts sur les manières d’aménager ce qui se passe au-dessus.
Photographie numérique prise par un drone à environ 15 m d’altitude
Trafic cellulaire
La longue ligne orangée qui traverse l’image en zigzag marque les frontières de deux cellules, l’une en haut à droite, et la principale occupant la partie gauche. Les enchevêtrements de filaments bleus correspondent aux microtubules de la cellule, qui forment son squelette. Ces réseaux de microtubules sont aussi des « autoroutes » qu’utilisent les protéines pour se déplacer. C’est le cas de l’alpha-synucléine, présente normalement dans les neurones du cerveau. Cependant, lorsque cette protéine forme des agrégats, visibles en rouge, il s’ensuit la mort progressive du neurone, et la maladie de Parkinson. On ignore comment cela se produit, mais on sait désormais suivre l’évolution de ces agrégats.
Grossissement : 2 500x
Microscopie de super-résolution STED